Pourquoi y a-t-il des aidants ?
Remontons un peu dans le temps. La Journée Nationale des Aidants existe depuis 2010 et a lieu le 6 octobre. Sa mise en place est le résultat d’une décision prise par 4 ministères dans le but de mettre la lumière sur les aidants. Aujourd’hui, il est toujours compliqué d’évaluer le nombre exact d’aidants en France. Il est estimé à 11 millions, dont 50% sont actifs.
La définition légale d’un aidant est très restrictive par rapport à la réalité. Beaucoup d’aidants n’ont pas conscience de leur situation et ne demandent pas à être aidés. La définition actuelle est liée à la loi qui est, elle-même, basée sur le congé de proche aidant.
Avant cette journée de sensibilisation, le terme d’aidant n’était pas connu. On les qualifiait d’ailleurs « d’aidants naturels ». Ils étaient invisibles et cela paraissait normal de s’occuper de son proche fragilisé. Encore aujourd’hui, des études montrent que 60 à 70% de la population ne connaît pas ce terme.
Il paraît aussi « naturel » d’aider son enfant handicapé, son conjoint atteint d’une maladie chronique, un parent touché par la maladie d’Alzheimer. Toutefois, on sait que le rôle des aidants a tendance à se rapprocher de celui des « acteurs du soin ». Il a été calculé que, si les aidants étaient payés ou que leur travail était fait par des professionnels, cela reviendrait à 168 milliards d’euros par an (base de 20h/semaine et 19€ de l’heure pour 8,5 millions aidants). Soit à 2/3 des dépenses de santé en France !
Les aidants qui font le travail d’aides-soignants sont des « supplétifs » du système de santé, face à un secteur qui peine à recruter. La conclusion est la suivante : s’il n’y a pas d’aidants, le système de santé s’écroule. Pour autant, être aidant est fatigant et favorise le développement de fragilités. Il est crucial de prendre soin des aidants.
Prendre soin de son parent âgé peut être compliqué pour le salarié aidant : il faut avoir le bon ton et savoir prendre du recul. De plus, le parent ou le proche aidé peut refuser l’aide. Il y a aussi une grosse partie de charge mentale lorsqu’on est aidant, surtout lorsque le proche aidé est éloigné. Il existe des solutions telles que la téléassistance mais les Français sont méfiants envers ces systèmes.
Pourquoi les entreprises devraient-elles se préoccuper des aidants ? En quoi est-ce leur responsabilité ?
Lorsque la loi de l’adaptation de la société au vieillissement a été votée, les entreprises ont entamé des démarches pour leurs salariés aidants. Mais la loi est orientée vers l’aidance des personnes âgées et laisse de côté un grand nombre de problématiques des aidants (conjoint/enfant malade ou handicapé…). 78% des salariés ont signalé que leur entreprise était « complètement légitime » à se préoccuper des questions de santé de ses collaborateurs.
A noter qu’il y a en France une grande défiance envers les institutions. Moins d’1/3 de la population aurait confiance en un inconnu : c’est un score très bas. Cette confiance diminue encore lorsque l’on descend dans la hiérarchie de l’entreprise. Par contre, les entreprises (et surtout les PME) sont données comme institution de confiance pour 82% des personnes sondées.
La question des salariés aidants touche obligatoirement l’entreprise et son organisation. On sait qu’en moyenne, un aidant comptabilise 16 jours d’absentéisme supplémentaire dû à des problèmes de dernière minute. Il est évident que la productivité du salarié diminue lorsqu’il devient aidant : il n’est plus autant concentré, il peut être fatigué, et cela peut avoir un impact sur l’ambiance au sein de l’équipe.
Les entreprises rencontrent aussi le risque de perte de performance de l’équipe. Les salariés aidants sont difficiles à détecter : ils parlent rarement de leur situation à leurs collègues et encore moins à leurs managers.
Les entreprises sont responsables des territoires où elles sont implantées. C’est-à-dire qu’elles créent de l’emploi et développent une dynamique autour de ce territoire. Les solutions de répit pour les aidants se trouvent localement, en grand majorité : au niveau des départements ou même des mairies.
Dans l’après COVID, a-t-on vu des choses changer ?
Les fragilités ont augmenté avec la crise sanitaire, pour un grand nombre de personnes. Beaucoup d’entreprises ont découvert la vie très personnelle de leurs salariés à travers le télétravail : découverte du handicap d’un enfant, problématique de logement, etc. La mise en place du télétravail a aussi créé des tensions entre les salariés. En moyenne, seulement 40% font du télétravail. On a donc constaté un fort décalage entre les conditions de travail des uns et des autres pendant la crise.
Prendre en compte le bien-être de ses salariés, sa santé mentale et ses difficultés est devenu une obligation pour beaucoup d’entreprises. C’est un sujet d’actualité, que ce soit pour les collaborateurs actuels ou pour les futurs salariés. Quand un candidat est en position de devoir choisir entre plusieurs entreprises, il portera une attention particulière à la QVT pour prendre sa décision.
Au niveau politique, il n’y a pas de grande loi en prévision au sujet des aidants. C’est un sujet qui n’a pas encore été traité par les actuels candidats à la présidentielle 2022.
Aujourd’hui, en France, on compte 6 millions de personnes âgées de plus de 75 ans. C’est un nombre qui va doubler dans les années à venir ! Il est donc crucial d’en prendre conscience. C’est d’ailleurs au moment de la canicule de 2003 que de nombreuses actions ont été menées en faveur des personnes âgées : ouverture d’EHPAD, prise en charge par le service privé, etc.
Les salaires du personnel soignant sont trop bas et les jeunes ne sont pas assez sensibilisés à ces métiers. On parle du métier d’aide-soignante aux jeunes filles en échec scolaire, comme si c’était une « porte de secours » et leur seule solution d’avenir. De plus, depuis la crise sanitaire, la représentation de l’âge s’est dégradée. Les personnes âgées ont été infantilisées et pointées du doigt pendant les confinements. Il faudrait sensibiliser aux métiers de la santé dès la petite enfance. Le gouvernement a récemment débloqué 240 millions d’euros supplémentaires pour augmenter les salaires des intervenants des services à la personne. Dans ce secteur, on annonce 20% de postes non pourvus.
Pour une évolution plus rapide du statut d’aidant, il faudrait une prise de conscience « non-genrée » D’une façon générale, les choses évoluent. Ainsi les partenaires sociaux prennent peu à peu le sujet en main. Au départ, ils le considéraient comme relevant de la RSE pour les entreprises.